Le 22e épisode : une maladie qui fait peur

 
 
 

Introduction : Après avoir vécu et travaillé aux Philippines pendant plus de trois ans, je prends la décision de rentrer au Canada en raison de mon état de santé. J’arrive dans un pays où la tuberculose a été maîtrisée et contrôlée, grâce aux efforts dans la recherche et la prévention. Cependant, les gens gardent encore aujourd’hui le souvenir de cette maladie qui a fait tant de morts, alors qu’on n’avait pas encore découvert de traitements autres que l’isolement et les séjours en montagne.  

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Mes compagnes veulent ma guérison, elles veulent aussi mon retour aux Philippines. Les gens comprennent que je doive quitter, pour un temps, leur pays et leur compagnie que j’aime tant. Je n’ai pas le choix, je dois rentrer dans mon pays. Je ne le sens pas comme un échec dans ma vie missionnaire aux Philippines, mais comme une épreuve. Comme toujours, devant un défi, je réfléchis et cherche où sont mes forces.   Il n’y a pas de doute, je ne m’en sortirai pas si je reste ici. Mon cœur est un peu chaviré, je souffre de devoir quitter un pays que j’aime : les Philippines ; en même temps, je songe à la joie de revoir les miens, surtout mon frère qui s’achemine vers son départ pour l’au-delà, de revoir les sœurs à la maison mère, les parents, les amis, de goûter à la fraîcheur du climat canadien à cette saison. J’aurai accès à des services médicaux très recherchés. Je goûte déjà à la joie de la guérison.

A l’aéroport de Manille, je ne me sens pas très à l’aise dans ce fauteuil roulant. Les gens me regardent avec pitié mais aussi avec compassion. Je leur souris. Comment arriver au bout du voyage, si long, sans aucune personne de compagnie! Hier, je faisais la brave mais maintenant, je suis seule avec moi-même et mon ange gardien, pour m’embarquer pour cette longue aventure. En moi-même, je pense que je pourrais bien mourir en route, car je sens que mes forces m’abandonnent.   Je ne me laisse pas affectée par ce drame imaginaire. Je m’abandonne à mon Guide et Ami, Celui que mon cœur aime.   Heureuse surprise, je dors durant presque tout le temps du trajet qui dure plus de 13 heures. Je ne me préoccupe pas pour les bons repas servis sur l’avion. Je n’ai aucun appétit. Je ne vois pas les heures passer ni celles qui me restent encore à franchir. Je suis comme dans un comas doux et réconfortant.

Arrivée à l’aéroport de Montréal, mon cœur bat très fort. Comment je serai accueillie? Je porte peut-être encore quelques bactéries ou même des traces de tuberculose. On aura probablement peur de moi, de mes microbes et de mes bactéries de toutes sortes. Deux de mes braves sœurs sont à l’aéroport pour m’accueillir. Je me sens comme une lépreuse parmi des gens en santé.   Je n’ose pas les embrasser car je ne sais pas ce qu’elles pensent au plus profond d’elles-mêmes, mais elles me devancent et m’embrassent chaleureusement. Elles ne semblent pas avoir peur de moi.   La nuit est avancée. Je dors chez l’une d’elles et dès le lendemain matin, je me rends au couvent. Ici, je sens quelques réticences. Tout de suite, on m’interdit l’accès auprès des malades de l’infirmerie. Je peux comprendre. Je me renferme dans ma chambre jusqu’à ce que je retrouve la confiance et l’assurance que je peux circuler. La bactérie ne sautera pas comme cela sur les sœurs . Je ressens la même chose avec certains membres de ma famille. Ils ont peur pour leurs petits enfants. Je peux aussi comprendre, mais cela me brise le cœur. J’avais tellement hâte de prendre dans mes bras les nouveaux venus dans la famille. Je ne peux même pas les voir. Il faudra que les docteurs me déclarent non contagieuse, avant que je puisse franchir ces murs. La première nuit à la Maison-Mère est tragique, quelques sérieux problèmes intestinaux m’inquiètent vraiment. Une brave infirmière passe une partie de la nuit avec moi et arrive à m’apporter un certain soulagement.

L’infirmière de la Maison-Mère m’informe qu’il est difficile d’avoir des rendez-vous avec les docteurs. Parfois le temps d’attente peut durer 6 mois si on n’est pas chanceux. Mon cas est urgent. Quels saints invoquer ? Les Saints Anges, ce sont des messagers rapides. Je leur présente ma requête. Une semaine après mon arrivée, je peux rencontrer mon docteur de famille. Il voit l’urgence de mon cas et fait rapidement toutes les démarches pour que je rencontre un pneumologue. Il me demande déjà quand je veux retourner aux Philippines. Il a soigné plusieurs missionnaires et il sait bien que c’est la première question qu’on lui pose.   Il est sensible à ma vocation missionnaire et je le sens bien.

Commence l’attente. Elle se prolonge durant plus d’un mois. La Lise impatiente que je suis gémit et s’affole. Je ne souhaite surtout pas traîner ici, il y tant à faire dans ma mission aux Philippines. Le plan qui a été prévu : passer environ un mois au pays et retourner vite aux Philippines si on ne trouve rien de sérieux. Un bon matin, trépignant d’impatience et voyant que rien ne bouge, je me rends seule à l’urgence de l’hôpital et je raconte mon histoire à la réceptionniste: tuberculose, pneumonies, infections pulmonaires etc etc. L’infirmière panique. La tuberculose c’est comme la peste ici. Il n’y a plus de cas dans mon pays depuis très longtemps. Chacun des cas doit être dénoncé au gouvernement et nécessite immédiatement l’isolation. On me renferme dans une chambre où l’air climatisé me fait trembler, je ne sais plus si c’est de froid ou de rage. J’ai beau crier que je n’ai plus de tuberculose, la maladie a été traitée et maitrisée, mais on ne veut pas me croire Je suis là, seule et bien triste. Les larmes coulent malgré moi. J’ai la tentation de me sauver et de ne plus y revenir. Je voulais simplement voir un pneumologue pour qu’il examine l’état de mes poumons après toutes ces infections. Le docteur de l’urgence, pour m’énerver encore plus, me dit  qu’il pourrait bien s’agir d’une rechute dans la tuberculose, car mon traitement pour la tuberculose aux Philippines, n’a été que de 3 mois alors qu’ici, il est de 9 mois. Il communique par téléphone avec le pneumologue… finalement commencent les tests médicaux les uns à la suite des autres. Je ne sais pas à qui me plaindre, moi, la seule chose que je veux, c’est de retourner au couvent.  Je crie au ciel : où sont les anges que j’aime tant. Il n’y en aurait pas un pour me venir en aide? Soudainement, la porte s’ouvre et deux compagnes viennent voir ce qui m’arrive. On les a obligées à porter le masque. J’en porte un aussi. Je suis ici depuis 9 heures, ce matin, et il est 7 heures du soir. Je me sens déjà mieux. Finalement le docteur me permet de partir car ce n’est que demain que je passerai le pet scan qui n’a pas de secret. On pourra voir exactement l’état de mes pauvres poumons.

A partir de ce moment-là, il est décidé que je n’irai plus seule à l’hôpital, ma sœur infirmière m’accompagnera pour toutes les visites qui vont suivre.

À suivre…

Pour lire le dernier épisode, cliquez sur ce lien :

 

Par Soeur Lise Hamel (Soeurs Missionnaires de Notre-Dame des Anges)

 

3 Comments

  1. by Anita Gaulin on 16 septembre 2018  22 h 51 min Répondre

    Chère Lise,
    D'abord, je vous ai connue sous le nom de Sr St-Michel-Archange à Victoriaville. J'étais là comme aspirante (c'est comme ça qu'on nous appelait).
    Par pur hasard, je suis tombée sur votre histoire de vie. Quelle vie bien remplie! Quelle détermination de coeur, d'amour et de dévouement. Je suis très touchée par votre histoire, tout l'amour que vous avez fait rayonné autour de vous. Bravo!

  2. by Anonyme on 2 mars 2017  16 h 02 min Répondre

    Quelle vaillante missionnaire Félicitations Lise

    • by Anonyme on 9 mars 2019  4 h 23 min Répondre

      SOEUR LISE HAMEL, JE VIENS DE LIRE TOUTE VOTRE VIE DEPUIS LES PHILIPINES ET LAISSEZ MOI VOUS DIRE, QUE VOUS AVEZ EU BEAUCOUP DE COURAGE POUR PASSER A TRAVERS TOUT CE QUI VOUS EST ARRIVER,J ESPERE QUE MON MESSAGE VA VOUS PARVENIR, J ESPERE QUE VOUS AVEZ PRIS BEAUCOUP DE MIEUX DEPUIS CE TEMPS.. MOI J ÉTAIS EMPLOYER DE 1982 A 2009. JE FESAIS LE MÉNAGE LA RÉCEPTION . DU TAXI POUR REMPLACER QUEQU UN L ÉTÉ ET A LA BUANDERIE, J AI TELLEMENT AIMER MON TRAVAIL AVEC VOUS TOUS. APRES MON ACCIDENT EN 2009 J AI DU LAISSER MON TRAVAIL. JE M EN SUIS DIFFICILEMENT REMIS DE CETTE ÉCHEC

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