Le 18e épisode, une nouvelle aventure : après l’Afrique, la Chine
Introduction :
Deux continents très différents, l’Afrique et la Chine possèdent toutefois une similitude : la qualité de leur accueil. Un appel surgit du fond de mon cœur : aller annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile en Chine, la première mission de notre Congrégation. Dans le Souffle de l’Esprit, je m’offre pour ce nouvel engagement missionnaire.
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Je suis déléguée, pour une troisième fois, au Chapitre de 1993 et je suis heureuse de représenter la région du Congo dans cette réunion. Un Chapitre général est un évènement d’Église donc j’y mets tout mon cœur et mon esprit.
Un soir, une sœur chinoise me demande de l’aider à rédiger une lettre dans laquelle elle exprime à l’assemblée ce qu’elle porte lourdement dans son cœur. Depuis plus de 17 ans, dans la région de la Chine, Fille aînée de notre Congrégation, les Sœurs ont un souci : elles vieillissent et il n’y a pas de relève pour le moment. Elles se sentent négligées par la congrégation. Un long silence règne dans l’assemblée. Les Sœurs capitulantes (déléguées représentant leurs missions respectives) sont très touchées par ce message. Soudain, se levant la supérieure régionale du Japon s’exprima d’une voix émue : « Je promets d’envoyer une sœur japonaise dans votre région ». À ce moment-là, je ressens un soulagement et une joie mêlée de compassion. Immédiatement la supérieure régionale du Pérou promet aussi une sœur péruvienne. Le Canada n’a rien à offrir car, depuis longtemps il n’y a aucune nouvelle candidate canadienne. Quant à moi, en tant que Canadienne, je sens une certaine honte de ne pas pouvoir venir en aide à nos Sœurs chinoises. En mon cœur s’élève un très grand désir de m’offrir moi-même pour aller en Chine. Pensant à mon âge, le courage me manque pour l’exprimer devant toute l’assemblée; je choisis donc de faire connaître mon désir en particulier.
Je sais que mon évêque au Congo sera très déçu car il vient d’ouvrir le centre diocésain pour la catéchèse et il compte sur moi pour en assumer la responsabilité. Je poursuis ma réflexion mais avec inquiétude. Je fais donc une demande explicite, par écrit, à l’administration générale en expliquant que je me sens appelée intérieurement pour aller en Chine, en offrant sur-le-champ mon entière disponibilité. Si l’autorité me renvoie au Congo, je serai contente également. Le lendemain, la supérieure générale m’informe que ma demande est acceptée : je partirai pour la Chine et je dois m’y préparer. Je saute de joie ! Les sœurs de Hong Kong sont heureuses de cette bonne nouvelle mais les sœurs d’Afrique le regrettent.
Quelques jours plus tard, la supérieure m’informe qu’elles ont changé d’idée, je partirai pour le Congo; là encore, je danse de joie ! « Je ne te comprends pas, me dit la Supérieure, je t’annonce que tu pars pour la Chine, tu jubiles, aujourd’hui je t’informe que ce sera plutôt le Congo et tu te réjouis à nouveau. As-tu vraiment une préférence ? » Non, je lui réponds, j’ai cru entendre un appel et c’est vous qui le confirmerez. Je me sens dans une entière liberté.
Une troisième fois, elles changent encore d’avis : où m’envoyer ? En Chine ou au Congo ? Pendant les deux semaines que dure leur discernement, je demeure dans les mêmes dispositions. Finalement, le vingt-quatre décembre, la supérieure me révèle que la dernière décision est bien la Chine : elle reconnaît la véracité de cet appel.
Au réfectoire, l’annonce officielle de ma nomination surprend tout le monde : un certain silence, provoquant chez moi un malaise, suit cette nouvelle. Quelques sœurs uniquement m’offrent des félicitations et je ne me sens pas soutenue dans ce nouveau défi. Pourtant, au fond de mon cœur, je suis certaine de cet appel. Subséquemment je comprends leur réaction : elles me savaient si heureuse au Congo; pourquoi aller en Chine à cet âge ! Je pense alors à ma mère : elle serait fière de moi car je réalise son désir : être missionnaire en Chine.
Même si, depuis un an, j’ai atteint la soixantaine, mes compagnes de la région de Hong Kong Macau m’accueillent avec beaucoup de joie. Je les informe sur-le-champ que je n’ai plus l’âge pour l’apprentissage d’une nouvelle langue mais que j’aimerais tout de même entreprendre une année d’études à l’Université de Hong Kong afin de connaître au moins l’essentiel de la langue chinoise. Ceci ayant été accepté, je me présente donc à l’Université avec la sœur supérieure de Hong Kong. En voyant ma détermination et après avoir consulté mes notes académiques et pris connaissance de mes études précédentes, les autorités m’encouragent à poursuivre malgré le fait que j’ai passé l’âge limite requis. Je suis un peu gênée en me voyant parmi tous ces étudiants plus jeunes qui me regardent avec de grands sourires que je n’essaie pas de comprendre mais que j’accueille comme étant des signes de bienvenue.
J’aime beaucoup les petits caractères chinois que j’apprends assez rapidement; par contre, les tons de la langue cantonaise me font problème. Je vois de petits caractères chinois partout et en tout temps. Quelquefois, je dois supporter les éclats de rire de mes sœurs chinoises car je n’ai pas le ton alors, souvent le mot veut dire tout autre chose ou même le contraire.
Au magasin, je vis un cauchemar : comment expliquer que je veux de la cire pour le plancher. J’insiste sur le mot « propreté » parce que je ne connais pas le mot « reluisant ». Alors, le vendeur affirme : « Si le plancher est propre, que voulez-vous de plus ? ». C’est la grande confusion ! Désespéré, il m’invite à rechercher moi-même, dans les rayons des produits de nettoyage, ce dont j’ai besoin. A sa grande surprise, quand je lui présente la bouteille de cire à plancher, il éclate de rire. Une autre fois, dans une conversation, je veux parler du prêtre et le mot que j’ai prononcé veut dire pantalon, à cause du ton différent. Cela fait très drôle dans le contexte.
Pendant huit mois, j’étudie de huit à dix heures par jour avec l’aide d’une généreuse compagne chinoise pour les devoirs de chaque jour à remettre au professeur le lendemain. Tout de même, je réussis les examens de fin d’année et les professeurs insistent pour que je suive les cours de la deuxième année : ils me considèrent comme un cobaye ! Peut-on encore, à soixante-et-un ans, apprendre le chinois ? Selon les croyances du temps, cela est impossible, après l’âge de quarante ans. Même si les professeurs et les élèves m’admirent et voient ma détermination et mon courage, je sens que j’ai atteint le maximum de mes capacités intellectuelles. Je me sens incapable de continuer.
Je réalise que je ne peux plus enseigner la catéchèse en raison de mes connaissances limitées de la langue chinoise. Je suis venue dans le but d’être simplement une compagne et d’encourager mes sœurs dans leur travail scolaire ou pastoral. J’accepte certaines tâches à la maison selon mes capacités et je donne aussi des cours privés de français aux personnes intéressées.
L’administration générale me demande d’accepter le poste d’économe régionale pour la région de Hong Kong Macau; avec plaisir je m’y conforme tout en doutant de mes capacités pour ce travail car je n’ai jamais étudié la comptabilité.
Je passe deux ans à Hong Kong. Je me dévoue joyeusement, avec d’autres compagnes, en tant qu’animatrice d’un groupe de recherche vocationnelle et les rencontres ont lieu mensuellement durant toute une journée. Les participantes sont des jeunes filles philippiennes œuvrant comme domestiques dans les familles chinoises. Grâce à ces rencontres, nous avons le bonheur d’accueillir huit candidates à la vie religieuse missionnaire chez les MNDA et deux chez les Sœurs Clarisses. Macau sera désignée pour devenir le lieu de formation et j’assiste la sœur chinoise responsable. J’éprouve un grand bonheur en enseignant à ces futures missionnaires : elles sont toutes joyeuses et de bonne volonté. Malheureusement, nous devons refuser trois d’entre elles qui ne présentent aucun signe de vocation religieuse. Je remplis cette tâche durant une période de sept ans; par la suite, je suis nommée déléguée une quatrième fois au chapitre général de 2003, au terme duquel, je suis élue économe générale.
À suivre…
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Par Soeur Lise Hamel (Soeurs Missionnaires de Notre-Dame des Anges)