Le 16e épisode : Un 3e départ pour le Congo : un discernement pour une fondation et un nouvel engagement missionnaire.

 
 
 

Introduction :

Cette fois, ma mission est différente. Je pars en vue de la fondation d’une nouvelle communauté au Congo : quitter la brousse de Roby pour la ville de Kisangani : un autre défi.

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Ma congrégation m’offre un nouveau retour en mission, au Congo. Je sens comme un malaise. J’ai tellement aimé le peuple congolais dans le passé! Cependant, longtemps, j’ai éprouvé un malaise face à notre présence comme missionnaire là-bas. Nous sommes les employées d’une Société de Culture du palmier pour en extraire l’huile. Cette compagnie garde encore son esprit colonialiste : exploitation des ouvriers et manque de respect de leur dignité humaine. Les travailleurs sont frappés et forcés de produire toujours plus. Notre témoignage missionnaire est parfois assombri par cette appartenance à un groupe qui exploite la population et aussi par leur style colonisateur.

Je veux mener une réflexion sérieuse sur cette situation avant de donner mon accord pour ce nouveau départ dans la même mission de Roby au Zaïre (Congo) Cette hésitation m’amène à faire une proposition à mes responsables. Je demande de faire trois mois d’études pastorales en Belgique à Lumen Vitae. Au fond, ce n’est pas tellement mon désir d’étude qui prime; c’est surtout pour marquer une distance et retarder mon départ pour cette mission.   Les trois mois écoulés, je ne me sens toujours pas prête à partir au Congo. Je suggère à mes responsables de terminer l’année à Lumen Vite, ce qui signifie 5 autres mois d’étude.  

A la fin de mes études en Belgique, (mai 1980) la supérieure générale vient me chercher et nous entrons ensemble au Congo. Elle veut arrêter à Kisangani où se trouvent des Pères Blancs, deux d’entre eux sont Canadiens. Cela pourrait nous offrir un nouveau champ d’engagement missionnaire. Il s’agit de la fondation d’une nouvelle paroisse : Paroisse St-Paul dans la ville de Kisangani. L’évêque est très intéressé à notre projet. La seule condition qu’il pose : nous devons apprendre la langue de ce milieu : le kiswahili, non seulement l’apprendre mais la bien parler. Grand défi car nous connaissons déjà une des langues officielles du Congo : le Lingala que les gens de Kisangani comprennent.

Nous arrivons à notre mission de Roby et la supérieure générale est heureuse de communiquer à nos sœurs ce désir de fondation. Cependant, elle pose une condition : que deux membres de la dite communauté de Roby se détachent et acceptent d’aller à Kisangani avec moi pour la nouvelle fondation. Après une journée dans le silence et la prière, les deux plus jeunes sœurs de cette communauté s’offrent volontiers pour cette fondation. C’est une épreuve pour cette communauté que celle de perdre leurs deux plus jeunes compagnes. Mais elles se réjouissent et voient dans ce projet l’action de l’Esprit. Elles se montrent très généreuses et nous soutiennent en partageant tout ce qu’elles possèdent : vivres, lingerie de maison, meubles et même une vieille camionnette qui nous sera très utile.

Quelques mois plus tard, nous partons à Kisangani. Une nouvelle aventure commence. Le voyage se fait en bateau et dure 2 ou 3 jours. Nous sommes les seules étrangères sur le bateau et nous attirons l’attention de tous les passagers car normalement les « Blancs » ne voyagent pas sur ces bateaux. Nous arrivons avant le message envoyé par la poste qui annonçait cette nouvelle. Aucun logement ne nous attend. Chez les Pères Blancs, il y a de la place dans leur maison et ils sont prêts à nous accueillir mais l’évêque sera-t-il consentant de mettre des Sœurs avec des Pères dans une même maison! Nous nous rendons chez lui pour connaître son opinion. Il nous dit : « Pour vous dépanner, j’accepte, mais pour un temps ne dépassant pas 10 jours ». C’est un peu court pour construire une maison. L’un des Pères missionnaires nous informe qu’un pauvre homme a commencé la construction de sa maison mais il n’a plus d’argent pour la terminer. Elle est là comme un squelette abandonné. Le Père lui offre de finir sa maison et lui demande de la donner en location aux Sœurs Missionnaires de Notre-Dame des Anges pour une période de deux ans car ce sont elles qui financeront les frais de cette construction.   Le monsieur, père d’une famille de 10 enfants est enchanté par cette proposition. Dans deux ans, il aura sa maison. La dite maison n’est pas un château, loin de là. Elle est très chaude et les 10 enfants du propriétaire nous collent au dos car ils la considèrent comme leur maison. Elle est si près de la route que les gens en passant peuvent voir nos assiettes et ce que nous mangeons. Avec rien dans le ventre, il ont le courage de nous souhaiter « Bon Appétit ». Soit dit en passant, nous sommes un peu gênées ! 

Une des trois sœurs se rend au Canada pour son congé. Les deux autres, moi et ma compagne, nous luttons contre la chaleur, les moustiques, le manque d’intimité, la poussière, le bruit que fait la pluie en tombant sur le toit de tuile de notre maison. L’évêque vient nous visiter. Il nous exprime librement son opinion. Il n’est pas d’accord avec ce genre d’insertion. Ce n’est pas, dit-il, votre style de vie. Je m’inquiète pour votre résistance physique et aussi pour votre sécurité. Il nous demande de construire un couvent sur le terrain de la mission, à côté des Pères. Un projet de construction d’une église, d’un Centre Nutritionnel et d’un Centre Social sont déjà prévus. En attendant, nous continuons d’habiter, pour une durée d’un an et demi, notre petite maison. Nous réalisons qu’on ne pourra plus durer longtemps à ce régime malgré notre bonne volonté et notre désir de vivre comme le peuple. Alors nous nous décidons à écrire à notre supérieure générale à Sherbrooke pour avoir la permission de construire notre propre couvent comme nous le suggère l’évêque de Kisangani. La demande est refusée. Nous sommes très surprises et nous deux, nous pleurons ensemble notre déception. La raison du refus : notre expérience n’a pas assez duré.

Un prêtre de la paroisse, un Canadien, celui qui nous a proposé d’abord la petite maison, part en congé au Canada. Il est très sensible à notre pauvreté et à notre dénuement .En nous voyant maigrir, jaunir, pâlir, il s’inquiète et veut encore une fois faire quelque chose pour nous. Il se propose d’aller à la Maison Mère à Sherbrooke pour rencontrer nos responsables, face à face, afin de leur décrire exactement notre situation de pauvreté. Il s’offre pour la construction de notre couvent. Il gagne notre cause. Dès son retour il nous annonce la bonne nouvelle. Les Pères de notre paroisse et tous nos chrétiens dansent de joie avec nous pour cette bonne nouvelle. Dès le lendemain de son arrivée, le Père se met à l’œuvre en tant que constructeur avec l’aide de plusieurs de nos paroissiens. Après quelques mois, notre nouvelle maison est prêtre à nous accueillir.

À suivre…

Pour lire l’épisode 17, cliquez sur ce lien 

Par Soeur Lise Hamel (Soeurs Missionnaires de Notre-Dame des Anges)

2 Comments

  1. by Lise Hamel on 21 novembre 2016  20 h 36 min Répondre

    Merci Jean. Ce que j'exprime dans mon histoire semble bien vous rejoindre parce nous avons une même expérience, chez un même peuple. Merci pour vos commentaires.

  2. by F. Jean Beloin on 21 novembre 2016  16 h 47 min Répondre

    Sr Lise,

    J’ai bien aimé la phrase suivante : « …notre bonne volonté et notre désir de vivre comme le peuple… » et aussi tout le reste, bien sûr. Ces mots expriment tellement bien ce que j’ai aussi essayé de vivre lorsque j’étais moi-même au Zaïre.

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